Menton - Ordonnance du juge des référés liberté du TA de Nice du 4 mars 2021, n°2101086

Décision de justice
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Depuis l’année 2017, sur la frontière intérieure séparant l’Italie de la France, ont été mis en place, par les services de la police aux frontières à Menton, des locaux aménagés attenants au poste de police destinés, à accueillir les étrangers susceptibles de faire l’objet d’un refus d’entrée sur le territoire et d’une remise aux autorités italiennes, pour le temps présenté comme nécessaire à l’examen de leur situation.

En dépit des demandes présentées par plusieurs associations, dont l’association Médecins du Monde et l’association nationale d’assistance aux frontières pour les étrangers (ANAFE), pour assister ces personnes à l’intérieur de ces locaux, le préfet des Alpes Maritimes leur en a refusé l’accès.

L’ANAFE et Médecins du Monde, soutenues par l’association comité inter-mouvements auprès des évacués (CIMADE), l’association Groupe d’information et de soutien des immigrés (GISTI), le Syndicat de la magistrature, l’association « avocats pour la défense des droits des étrangers » (ADDE), le Syndicat des avocats de France (SAF), l’association Mouvement citoyen tous migrants,  la Ligue française pour la défense des droits de l'homme et du citoyen (LDH), l’association Roya citoyenne, la fédération des associations de solidarité avec tous (tes) les immigré(ées) (FASTI), l’association « le paria » et l’association « L’alliance des avocats et des praticiens du droit des étrangers pour la défense des droits fondamentaux » (L’alliance-DEDF), ont demandé au juge des référés liberté du tribunal administratif de Nice, à titre principal, la fermeture immédiate des locaux attenants à ceux de la police des frontières de Menton pont Saint-Louis, et d’ordonner, à titre subsidiaire, la suspension de la décision du 29 décembre 2020 du préfet des Alpes-Maritimes portant refus d’accès à ses deux représentantes auxdits locaux, et d’enjoindre au préfet, au besoin sous astreinte, de garantir immédiatement cet accès aux associations.

Le juge des référés a partiellement fait droit à cette requête en enjoignant au préfet des Alpes Maritimes de prendre une nouvelle décision, dans le délai de huit jours, autorisant l’accès ponctuel aux locaux attenants à ceux de la police des frontières de Menton pont Saint-Louis au bénéfice des associations requérantes, selon des modalités, établies en concertation avec lesdites associations, permettant la conciliation de leurs droits avec l’impératif de bon fonctionnement desdits locaux.

Il a relevé tout d’abord que, quels que soient le cadre juridique de la création desdits locaux, et leur qualification par les autorités, des personnes, entrées irrégulièrement sur le territoire français, sont quotidiennement appréhendées et placées dans ces locaux pour une durée pouvant aller jusqu’à treize heures, notamment la nuit.

 Il a estimé ensuite que l’urgence à statuer était caractérisée dès lors que les associations requérantes étaient dans l’incapacité d’assurer leurs missions d’assistance médicale, juridique et administrative à ces personnes se trouvant pour la plupart dans un état d’extrême vulnérabilité, et qu’en moyenne, depuis le début de l’année 2021, 87 personnes sont « mises à l’abri » chaque jour dans ces locaux.

Il a rappelé que cette situation était contraire au droit européen ainsi que, dans l’hypothèse d’une rétention supérieure à douze heures, à l’article 66 de la Constitution.

Il a considéré enfin que même si le préfet des Alpes Maritimes soutient que des mesures sanitaires très strictes sont préconisées dans ces locaux, et que les droits fondamentaux des personnes qui s’y trouvent, notamment la santé, sont respectés, ces circonstances, que rien ne permet de remettre formellement en cause, ne font pas obstacle, la confiance n’excluant pas le contrôle, à ce que soit reconnue la nécessité, pour des associations de type humanitaire ou autre, de porter assistance et conseil aux personnes pouvant être retenues pour une durée pouvant atteindre treize heures dans un lieu clos, et se trouvant pour la plupart, par définition, dans une situation de grande vulnérabilité.

Si la fermeture de ces locaux, dont l’utilité est implicitement reconnue, n’est pas justifiée, l’accès des associations requérantes à ces locaux devra être autorisé. Le juge des référés a invité le préfet des Alpes Maritimes à mettre en place une concertation avec les associations pour organiser les modalités pratiques de cet accès, en vue de prendre une nouvelle décision sous huit jours.

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