Communiqué de presse du 2 Juin

Décision de justice
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Le tribunal administratif de Nice a annulé l’arrêté du 26 octobre 2017 par lequel le maire de Grasse a retiré pour fraude le permis de construire..

Le tribunal administratif de Nice a annulé l’arrêté du 26 octobre 2017 par lequel le maire de Grasse a retiré pour fraude le permis de construire accordé le 18 juillet 2006 à la société détenue par M. Diter. Ce permis du 18 juillet 2006 régularisait des constructions réalisées sans permis de construire sur la maison « principale ».

Le tribunal administratif a écarté tous les motifs de fraude avancés par la commune et a ainsi jugé que le permis de construire du 18 juillet 2006 n’avait pas été obtenu par fraude.

Cette requête était présentée par la société civile immobilière Fourseasons Group, appartenant à M. Diter, ayant pris la relève de la société civile immobilière Lou Joy qui avait obtenu le permis de construire délivré le 18 juillet 2006.

 

4 motifs de fraude ont été invoqués par la commune dans son arrêté du 26 octobre 2017 puis au cours de l’instruction pour tenter de justifier que le permis de 2006 avait été obtenu par  fraude :

-          l’absence de demande de régularisation de la maison « de famille » irrégulièrement construite entre 2000 et 2004 ;

-          l’absence de demande de régularisation de la piscine irrégulièrement construite à la même période ;

-          la surestimation des surfaces régulières de la maison « principale » pour diminuer frauduleusement l’ampleur des surfaces dont il était demandé la régularisation ;

-          la tentative d’obtenir de manière frauduleuse la régularisation « automatique » des constructions régulièrement édifiées.

 

Le juge administratif a tout d’abord rappelé les conditions cumulatives pour qu’une fraude soit établie :

  • 1 : le premier élément de la fraude est un élément matériel : le pétitionnaire a obtenu le permis en faisant état d’éléments erronés dans sa demande.

  • 2 : le deuxième élément de la fraude est un élément intentionnel : ces éléments erronés ont permis au pétitionnaire d’échapper à une règle d’urbanisme, c’est-à-dire que sans ces éléments erronés, le permis de construire n’aurait jamais été accordé.

Ces deux éléments doivent être réunis à la date de la délivrance du permis pour que la fraude soit établie.

 

 

Sur le premier motif allégué de fraude : l’absence de demande de régularisation de la maison « de famille » irrégulièrement construite entre 2000 et 2004 :

 

Le juge a considéré que l’élément matériel n’était pas établi : la demande de permis de la société Lou Joy ne contenait aucun élément erroné puisqu’il n’y avait pas d’obligation de demander la régularisation de la maison « de famille ».

 

La société Lou Joy n’avait pas à demander la régularisation de la maison « de famille », quand bien même elle avait été, en effet, irrégulièrement construite, dès lors que cette maison « de famille » ne présentait aucun lien physique ou fonctionnel avec la maison « principale » sur laquelle portait le permis de construire délivré en 2006. Si la commune et les voisins soutenaient qu’il existait bien un lien physique et fonctionnel, ceux-ci sont postérieurs à la délivrance du permis de 2006 et ne pouvaient donc caractériser une fraude à cette date.

 

 

Sur le deuxième motif allégué de fraude : l’absence de demande de régularisation de la piscine irrégulièrement construite entre 2000 et 2004 :

 

Le juge a tout d’abord considéré que l’élément matériel était établi. En effet, la piscine présente bien un lien physique et fonctionnel avec l’extension dont il était demandé la régularisation. Dès lors, la société Lou Joy aurait dû demander sa régularisation dès lors qu’elle avait été irrégulièrement construite. Le permis de construire de 2006 était donc illégal dès lors que la société Lou Joy n’avait pas demandé la régularisation de la piscine, ce qui était une obligation.

 

Toutefois, quand bien même ce permis était illégal, le juge a considéré qu’il n’était pas frauduleux dès lors que l’élément intentionnel de la fraude n’était pas établi. La question était de savoir si la commune aurait ou non accordé le permis de construire en litige si la société Lou Joy avait demandé la régularisation de la piscine. En effet, le plan d’occupation des sols alors en vigueur autorisait seulement les extensions (et pas les constructions nouvelles), c’est-à-dire des éléments présentant une ampleur limitée par rapport à la construction préexistante. Le juge a considéré que, dès lors que la piscine ne crée pas de surface de plancher supplémentaire, l’ajout de cette piscine aux éléments dont il était demandé la régularisation n’a pu influencer  la commune sur le caractère « limité » de l’extension dont il était demandé la régularisation. Le juge a ainsi considéré que la société Lou Joy aurait quand même obtenu le permis de construire en litige si elle avait demandé la régularisation de la piscine.

 

 

Sur le troisième motif allégué de fraude : la surestimation des surfaces régulières de la maison « principale » pour diminuer frauduleusement l’ampleur des surfaces dont il était demandé la régularisation :

 

La commune soutenait que la société Lou Joy avait présenté une partie de la maison « principale » comme ayant été régulièrement édifiée alors qu’elle avait été construite sans autorisation, afin de fausser l’appréciation de la commune sur l’ampleur de l’extension dont il était demandé la régularisation.

 

Toutefois, le juge a considéré que l’élément matériel de la fraude n’était pas établi. En effet, si certaines pièces du dossier présenté par la société Lou Joy laissaient sous-entendre que des surfaces construites en réalité sans autorisation étaient régulières, d’autres pièces du dossier présentaient bien ces surfaces comme irrégulièrement construites. Par ailleurs, la commune avait connaissance dès 2005 du caractère irrégulier de ces surfaces dès lors qu’elle l’avait relevé dans son procès-verbal d’infraction, antérieur à la demande de régularisation. Ainsi, la demande de permis de la société Lou Joy ne contenait aucun élément erroné puisque la commune avait connaissance du caractère irrégulier des surfaces.

 

S’il est vrai que les éléments dont il était demandé la régularisation ne présentaient pas une ampleur limitée par rapport aux surfaces régulièrement construites et que le permis de construire accordé en 2006 était illégal, il n’était pas pour autant frauduleux dès lors que la commune avait connaissance du caractère irrégulier des surfaces préexistantes.

 

 

Sur le quatrième motif allégué de fraude : la tentative d’obtenir de manière frauduleuse la régularisation « automatique » des constructions régulièrement édifiées :

 

La commune soutenait qu’en faisant apparaitre dans le dossier de demande de permis la maison « de famille » et la piscine, toutes deux irrégulièrement construites, sans en demander la régularisation, la société Lou Joy cherchait en réalité à en obtenir la régularisation automatique.

 

Toutefois, le juge a estimé que l’élément intentionnel n’était pas établi : en effet, lorsqu'une construction est irrégulièrement édifiée ou modifiée, sans permis de construire ou déclaration préalable ou en méconnaissance des prescriptions de telles autorisations, cette irrégularité est « perpétuelle » sur le plan administratif, les travaux irrégulièrement entrepris n'ayant pas d'existence juridique. Ainsi, aucune régularisation automatique ne pouvantavoir lieu, il ne pouvait être considéré que  la société Lou Joy avait agi dans ce but.

 

Jugement n° 1801831 du 31 mai 2023.

 

Sur l’articulation avec l’arrêt du 25 mars 2019 de la Cour d’appel d’Aix-en-Provence reconnaissant le caractère frauduleux du permis de construire délivré le 18 juillet 2006

 

A la différence du juge administratif, le juge pénal a estimé que le permis de construire délivré le 18 juillet 2006 avait été obtenu par la fraude. Sur cette base, il a ordonné la démolition des constructions autorisées par ce permis de construire.

 

Malgré cette différence d’appréciation entre le juge pénal et le juge administratif, le jugement du tribunal administratif de Nice du 31 mai 2023 n’a pas pour effet de revenir sur les démolitions ainsi ordonnées par le juge pénal. En effet, l’office du juge administratif portait exclusivement en l’espèce sur la question de savoir si le permis de construire en litige avait été obtenu ou non par  fraude.